20 novembre 2018
Aujourd’hui l’IA est dans tous les discours. Et aujourd’hui je soutiens ces plus de 600 000 personnes qui veulent pouvoir exercer dignement leur métier à notre chevet. Le monde infirmier français manifeste. Il nous montre qu’il est le grand oublié du projet politique de santé. Mais au profit de qui, de quoi cet oubli?
Voici quelques réflexions suite à l’interview sur la chaîne YouTube Thinkerview, de l’écrivain philosophe Eric Sadin. Il nous y livre son contre-discours, à propos de l’Intelligence Artificielle qui fait irruption entre autre dans le monde de la santé. Sa réflexion alimente nombre de mes convictions.
Collecte, stockage et indexation de l’information, rendues possibles par l’IA nous permettent en santé de développer d’extraordinaires nouvelles pertinences des prises en charge médicales. C’est un fait.
L’IA et les technologies du numérique : des serviteurs ou des maîtres?
Gardons à l’esprit que ces technologies sont et restent uniquement des outils. L’usage que nous en ferons sera donc déterminant. Comme tous les outils, nous pouvons les acquérir, et ces achats vont nourrir une économie dont les enjeux s’annoncent gigantesques. Ces enjeux économiques sont-ils en train de décider à notre place de notre modèle de société? Avons-nous le droit de laisser la techno-économie déterminer le modèle de notre société de demain, celle de nos enfants?
Méfions-nous de cette fascination qui s’empare de nous, et nous fait miroiter l’espoir d’une vie prolongée et préservée grâce à l’analyse en temps réel de nos données de santé. Nous devons inviter ce débat à notre table maintenant, et refuser que la technologie du numérique nous dicte nos conduites via ses injonctions. Elle doit rester un outil, à notre disposition, et non devenir une force coercitive.
L’IA : se passer des humains ?
La gouvernance de santé, en faisant le pari de la technologie, de la télé-médecine, de la e-santé inscrit notre société dans son époque, et cela est très important. Néanmoins, imaginer que ces avancées technologiques pourront lui permettre de s’affranchir des personnes humaines, professionnels du soin médical, est une grave erreur. L’être humain est beaucoup plus qu’un robot empathique tels ceux que nous commençons à découvrir dans nos laboratoires, et nos EPAHD.
En effet, le soin médical et la guérison, le soulagement des maux, ne sont pas uniquement affaires de big-data et d’algorithmes. Oui, le temps passé les yeux dans les yeux, ou encore le contact de peau à peau avec une vraie personne vivante comptent pour beaucoup. Les infirmiers-infirmières sont irremplaçables et ont besoin de notre soutien. Il est donc absolument essentiel et urgent de répondre à leurs appels.
Prenons soin de nos soignants.
Je vous laisse méditer sur le pouvoir de la poésie et sur ces quelques extraits signés Yves Simon en 1974 :
« Respirer. Chanter. La vie est à ceux qui savent engouffrer les mots du langage dans des regards simples. Respirer. Toucher. Il ne faudrait surtout plus avoir peur d’aller dans des maisons inconnues et monter des centaines d’étages de misère ensemble. Ensemble, savez-vous ce que ça signifie ? Nous avons miséré ENSEMBLE et je l’aime…
Si un jour il n’y avait plus de mots construits, que toutes les langues d’hommes pourrissent au fond des bouches, derrière des bâillons noirs d’oppression, il faudrait bien inventer des langages de peau et des messages codés du regard. Les yeux ne sont pas faits pour recevoir des arcs-en-ciel et des bouts de pellicules en Eastmancolor, il faut dès à présent leur apprendre à émettre de longues lettres de bienvenue. Respirer. Regarder. Respirer. Regarder…
Inventons des connivences. Ecoutons. Respirons…
Il est urgent d’inventer des nouvelles recettes de vie… «