9 novembre 2018

L’efficience est dans tous les discours. On la cherche, on veut l’atteindre, on la glorifie. Ce serait donc notre nouvelle quête du Graal, pour sauver le système de santé. Or cette recherche d’efficience à tout prix est aussi à l’origine de nombreux burn-out, de démotivation, de déshumanisation du soin…
Elle peut donc devenir contre-productive.
Elle est aussi un facteur limitant de l’innovation qui nécessite une période de rodage et donc de moindre efficience lors de sa mise en œuvre.
Ainsi lors de nos négociations conventionnelles, la demande de conformer nos pratiques aux techniques qui ont déjà fait la preuve de leur efficience (endo-inlay-core couronne par ex.), doit être confrontée à l’objectif recherché.
Centrer le débat sur l’efficience limite notre pouvoir d’analyse. C’est un leurre qui dévie la responsabilité des failles de fonctionnement du système sur les acteurs de terrain (professionnels du soin) et occulte celle de la gouvernance. Cela permet de négliger l’importance pourtant cruciale du manque de budget alloué au système, et de la fixation transparente de ses objectifs.
Entre efficacité et effectivité, quelle est la place de l’efficience?
Pour comprendre les rapports qu’entretiennent ces trois termes, sachons qu’ils sont le lien dans un système entre les objectifs, les ressources, et les résultats obtenus.
L’efficacité rend compte du rapport entre les résultats et les objectifs initialement fixés. Si j’ai atteint mes objectifs, j’ai été 100% efficace, peu importe quels moyens j’ai utilisé pour cela.
L’efficience mesure le rapport entre les ressources utilisées et les résultats obtenus. L’efficience est le royaume de l’optimisation, de la quantification. L’efficience recherche le maximum de résultats pour l’utilisation d’un minimum de ressources.
L’effectivité reflète la pertinence des objectifs en lien avec les ressources disponibles, mais aussi et surtout avec l’intention, les valeurs, la finalité du système dans lequel on se situe, et qui est à la base du projet.
Un processus peut donc être très efficient sans être efficace, ou efficace mais sans intérêt car non effectif…
La prise en compte de l’efficience sans la confrontation à ses corollaires efficacité et effectivité n’a aucun sens.
De l’efficience, oui, mais au service d’objectifs clairement énoncés, cohérents et atteignables.
Exemple : Aujourd’hui j’écris un article sur l’efficience. Mon objectif est qu’il soit lu et compris par ma confrérie. J’utilise pour cela un clavier d’ordinateur et je crée un fichier. Dans une recherche d’efficience, je peux décider de l’écrire très rapidement, en abrégé, sur un coin de nappe avec un crayon de papier. J’aurai utilisé beaucoup moins de ressources, et mes idées seront bien développées par écrit. Naturellement cette efficience n’a aucun sens, car le papier griffonné est illisible, et non diffusable tel quel. Je rate donc mon objectif.

Aujourd’hui, quels sont les objectifs du système de soins bucco-dentaires en terme de santé publique? Un énoncé clair et assumé de ces objectifs est nécessaire. Le seul objectif vraiment audible est la garantie de soins prothétiques à RAC0. Est-ce suffisant en terme d’effectivité? L’objectif est-il la prothèse? La seule méthode pour parvenir à ce RAC0 semble être la négociation de tarifs plafonnés. N’y a-t-il pas d’autres possibilités d’actions ?