4 mars 2022

Aujourd’hui il est fréquent dans notre profession que le chirurgien-dentiste, face au stress, annonce travailler trois jours ou trois jours et demi par semaine au fauteuil. Conscients de la pénibilité de notre métier, avec l’aide de conseils en organisation, de coaches, nous réussissons à condenser notre temps de présence au cabinet, avec souvent deux objectifs à la clé : se ménager plus de place pour la vie privée, et aussi diminuer la durée d’exposition au stress.
Le stress du dentiste : une constante
Si l’on compare aux anciennes générations, la réduction du temps de travail au fauteuil est significative. Nous avons pourtant l’impresssion que les conséquences du stress au cabinet ne cessent d’augmenter. Le risque de burn-out est de plus en plus évoqué. Sans aller aussi loin, nous parlons souvent de difficultés de toutes sortes, TMS, douleurs ou manifestations physiques diverses, anxiété, sommeil perturbé, fatigue intense, moral en berne…
Moins d’heures au fauteuil, et pourtant toujours plus de stress…
Il y a des raisons à cela, en voici une liste non-exhaustive :
- La quête de perfection dans notre exercice qui devient encore plus présente
- La recherche d’efficience constante qui nous met sous pression continue
- Les réseaux sociaux qui encensent surtout les prouesses techniques
- La mode du développement personnel qui veut que l’on sorte à tout prix de sa zone de confort
- L’augmentation des contraintes administratives et la complexification de la relation-patient qui en découle
- L’augmentation des doléances patients
- La raréfaction des échanges humains « en vraie vie »
Il en est une autre, à laquelle on ne pense pas forcément, c’est l’injonction à la zen-attitude. Celle qui nous encourage à penser non-violence, méditation, pleine conscience, gestion des émotions, refus du stress… Dans ce modèle comportemental, le stress est vécu comme négatif et doit être évité.
Le stress, utile?
Or nous savons que le stress est un élément essentiel pour l’humain. Il nous tient en alerte, et augmente nos capacités à réagir en cas d’urgence. C’est bien d’une part l’accumulation qui est délétère, et d’autre part l’impossibilité dans laquelle nous sommes de réagir à la situation, ce à quoi nous prépare pourtant ce stress.
Nous savons aussi que notre métier engendre beaucoup de stress, notamment parce que nous travaillons sur des patients douloureux et vigiles. A cela s’ajoute le stress du chef d’entreprise quand on est libéral.
Dentiste libéral, on cumule stress du praticien et stress de l’entrepreneur
Voici donc un axe important pour améliorer son rapport au stress :
Il s’agit d’en accepter les symptômes et de les considérer seulement comme des messagers qui nous renseignent et nous soutiennent pour faire face à une situation. Cette acceptation émotionnelle enclenche un phénomène de régulation. Cela a été étudié pour les dirigeants de PME par le Pr. Olivier TORRES. Il parle à ce sujet de « facteur salutogène« . On retrouve ses travaux sur le site de l’Observatoire Amarok qu’il a fondé, et dédié à la santé des travailleurs non-salariés. Il montre que l’accumulation de stress n’est pas forcément corrélée au nombre d’heures travaillées.
Quoi faire?
Ce qu’il nous propose :
- Accepter, reconnaître, et agir en tenant compte du message que nous envoie le stress
- Ne pas subir les contraintes, aller vers un choix conscient
- Se rapprocher de ceux qui sont en mesure de nous aider. L’entraide, l’écoute, le lien humain sont de puissants amortisseurs du stress chronique
Refuser, nier le stress, c’est comme appuyer sur un ressort qui au bout d’un moment nous saute à la figure. L’idée est donc de changer de point de vue sur le stress, d’adopter un autre état d’esprit.
Une courte vidéo ici pour illustrer cela : Comment faire du stress un ami?
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Et vous combien de jours travaillez-vous au fauteuil par semaine?
Plus d’infos sur le burn-out du chirurgien-dentiste
Dr. Marie-Hélène HAYE, allias La Gutta Perchée
Screugneugneu | 5 mars 2022 à 8 h 10 min
Bonjour Marie Hélène. Vos articles sont toujours réconfortants car je me sens moins seule avec toutes les émotions que vous décrivez. Je travaille seule (sans associé, sans collaborateur), j’ai 1 assistante en or, je bosse 31h au fauteuil, et je dois travailler 5 ou 6h en off pour l’administratif/répondre aux mails etc (mais jamais à la maison:), et je finis à 18h au plus tard avec les patients. Je pense avoir réussi à supprimer pas mal de stress en me formant régulièrement sans jamais viser l’excellence mais en faisant de mon mieux. La source de stress majoritaire pour moi (et mon assistante) ce serait le planning: l’impossibilité de recevoir dans des délais raisonnables mes propres patients, bousculer l’agenda pour recevoir les vraies urgences et l’impossibilité tout court de recevoir les nouveaux en souffrance. Les patients agressifs et procéduriers sont aussi une source de stress, mais nous bossons bcp sur le pouvoir de notre réponse face à ces comportements, et je les vire avec bcp + de facilité qu’avant! Hier je me suis fait la réflexion à plusieurs reprises: « hier était une excellente journée, j’aimais tous mes patients, chaque séance a été un vrai plaisir, avec chacune son lot de stress (une pulpite difficile à anesthésier, une patiente hémiplégique aphasique et stressée, une hypochondriaque, un complet mandibulaire non rétentif etc. », pourquoi hier et pas d’autres jours? Et bien j’ai l’impression d’avoir passé + de temps à discuter avec chaque patient avant pdt et après chaque soin (j’étais dans un état d’esprit propice à l’empathie, alors qu’il y a des jours sans) : l’échange avec nos patients semble être la clé, retrouver du sens à ce que l’on fait: soulager/traiter un être sensible, et non une dent sur laquelle nous devons appliquer le gold standard du protocole de collage. Et en prime j’ai pu atteindre mon CA (= je n’ai pas fait tout ça pour rien), car ne soyons pas hypocrite, l’argent peut être une source de stress. En réorganisant mon planning, je n’ai plus de soucis à me faire de ce côté là. Je me suis également bcp posé la question de prendre ou non un collaborateur pour palier au manque de praticiens dans ma région et au final je refuse pour ne pas augmenter ma charge mentale/mon stress: le collaborateur serait pour moi une plus grosse source de stress que de refuser 10 nouveaux patients par jour (je ne veux pas culpabiliser pour une démographie catastrophique qui n’est pas de mon fait). Quant à l’associé, c’est juste hors de question, j’ai un tempérament bcp trop indépendant (et j’ai bossé dans trop de cabinets dans lesquels les associés étaient en conflit). Conclusion: j’applique la technique du « je ne sais pas ce que je veux, mais je sais ce que je ne veux pas » + « il vaut mieux être seul que mal accompagné ». Au plaisir de vous lire à nouveau.
Marie-Hélène HAYE | 6 mars 2022 à 0 h 39 min
Bonsoir Screugneugneu,
Bravo et merci pour ce commentaire qui fait plaisir à lire !
Si vous vous sentez moins seule grâce à ces articles, j’en suis heureuse, car c’est mon objectif de vous soutenir.
Donc vous avez déjà pris le parti de choisir vos contraintes plutôt que de les subir.
Vous avez appris à dire non sans culpabiliser.
Vous avez préservé le sens premier de notre métier.
Vous avez des semaines bien remplies, mais vous avez su poser vos limites.
Et finalement, on a l’impression à vous lire que le stress des cas difficiles devient presque un défi à relever, qui fait juste partie intégrante de notre métier, autant que l’échange avec les personnes.
J’ai envie de vous dire merci pour tous ces patients que vous recevez ainsi 🙂
Ce métier que nous exerçons est tellement utile et nécessaire, précieux!
Nous avons besoin de trouver des solutions pour le vivre au mieux.
Bonne continuation donc 🙂